La réforme de la garde à vue par la loi n° 2024-364 du 22 avril 2024
Cette réforme a été imposée par la Commission européenne qui considère que le régime juridique de la garde à vue en France n’est pas conforme au droit de l’Union européenne s’agissant de l’assistance effective de l’avocat au cours de cette mesure coercitive.
C’est ainsi que le 28 septembre 2023, elle a adressé à la France et à la Tchéquie un avis motivé pour transposition incorrecte de la directive datant de 2013 relative au droit d'accès à un avocat.
L’exposé des motifs de la loi n’y fait pas référence et se contente de préciser sobrement que la réforme est destinée à mettre notre droit en conformité avec les exigences résultant de la directive 2013/48/UE relative au droit d’accès à un avocat dans le cadre des procédures pénales qui remonte à près de dix ans.
L’objectif est donc d’imposer de manière effective la présence de l’avocat tout au long de la mesure.
Jusqu’à lors, l’enquêteur pouvait débuter l’audition du garde à vue sans la présence de l’avocat dès lors que celui-ci ne se présentait pas à l’issue d’un délai dit de carence de deux heures.
Il est mis fin à cette possibilité.
Il n’est désormais plus possible d’auditionner le gardé à vue sans son avocat sauf renonciation expresse de sa part mentionnée au procès-verbal et si le Procureur de la République justifie qu’il en soit autrement par une décision écrite et motivée qui doit également être versée en procédure.
Un nouvel article du Code de procédure pénale est ainsi créé :
« Art. 63-4-2-1. Le procureur de la République peut, à la demande de l'officier de police judiciaire et sur décision écrite et motivée, décider de faire procéder immédiatement à l'audition de la personne gardée à vue ou à des confrontations si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne. ».
Ces deux exceptions interrogent d’une part en pratique sur l’incitation que les enquêteurs auront à persuader le garde à vue de la nécessité de renoncer à cette présence, et d’autre part, sur l’interprétation que la jurisprudence aura des conditions de validité de la décision du Procureur de la République.
Cette décision ne peut être fondée que sur deux motifs :
- si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin d’éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale,
- si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable afin de prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne.
Les formules sont ainsi suffisamment larges pour concerner les situations les plus diverses, de sorte qu’il y aura nécessaire une abondante jurisprudence en la matière afin d’encadrer cette exception qui est accordée au ministère public.
Par ailleurs, et afin de garantir le droit effectif du gardé à vue d’être assisté d’un avocat, il est précisé que si l’avocat désigné n’est pas en mesure de se déplacer, l’officier de police judiciaire devra faire le nécessaire afin qu’il soit assisté par un avocat commis d’office.
La possibilité de reporter la présence de l’avocat lors des auditions ou confrontations demeure.
Les modalités de ce report exceptionnel ont toutefois fait l’objet de modifications.
Ce report exceptionnel peut toujours être décidé par le procureur de la République ou le juge des libertés et de la détention, par décision écrite et motivée.
Les motifs de ce report ont cependant été modifiés afin de les encadrer plus strictement.
La référence aux nécessités de l’enquête a ainsi été supprimée tout comme le motif lié au bon déroulement d’investigations urgentes tendant au recueil ou à la conservation des preuves.
Désormais le texte prévoit qu’un tel report n’est possible que si cette mesure apparaît indispensable pour des raisons impérieuses tenant aux circonstances particulières de l'enquête, soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave et imminente à la vie, à la liberté ou à l'intégrité physique d'une personne (Article 63-4-2 alinéas 2 à 4 du Code de procédure pénale).
Ce changement sémantique semble instiller la nécessité de justifier de circonstances particulières et exceptionnelles. Il conviendra d’être vigilant quant à l’interprétation de ces changements par la jurisprudence.
Pour le reste, les dispositions législatives demeurent identiques à savoir que la présence de l'avocat ne peut être différée que pendant une durée maximale de douze heures. Lorsque la personne est gardée à vue pour un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement supérieure ou égale à cinq ans, le juge des libertés et de la détention peut, sur requête du procureur de la République, autoriser à différer la présence de l'avocat, au-delà de la douzième heure, jusqu'à la vingt-quatrième heure. Les autorisations du procureur de la République et du juge des libertés et de la détention sont écrites et motivées par référence aux conditions prévues à l'alinéa précédent au regard des éléments précis et circonstanciés résultant des faits de l'espèce.
Ce report concerne également pour une durée identique l’absence d’accès par l'avocat aux procès-verbaux d'audition de la personne gardée à vue.
La réforme consacre en outre une pratique mise en place depuis l’introduction de la présence de l’avocat en garde à vue le 14 avril 2011 à savoir qu’il peut prendre des notes au cours des auditions ou confrontations (article 63-4-2 du Code de procédure pénale).
L’entrée en vigueur de cette réforme n’est curieusement pas immédiate.
Elle a été reportée au 1er juillet 2024.
Il est ainsi précisé par les dispositions de l'article 34 de ladite loi que « L'article 32 est applicable aux mesures de garde à vue prises à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la présente loi ».
Ce délai permettra certainement d'adapter la pratique des enquêteurs aux nouvelles exigences légales afin d'éviter l'invalidation de nombreuses procédures. Il est toutefois contestable que plus de dix ans après l'adoption de la directive européenne concernée, l'application effective du droit d'être assisté d'un avocat soit une fois de plus reportée. Ce délai semble également contestable d'un point de vue juridique au regard des dispositions de l'article 112-2 du Code pénal.
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