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Peut-on soulever un moyen de nullité après l’ordonnance de règlement ?

Le 10 janvier 2025
Peut-on soulever un moyen de nullité après l’ordonnance de règlement ?

Les dispositions de la loi n°2024-1061 du 26 novembre 2024 visant à « sécuriser le mécanisme de purge des nullités » sont entrées en vigueur le 28 novembre 2024 et ont modifié le régime des nullités en matière pénale.

Ces dispositions législatives ont été déposées par le biais d’une proposition de loi par deux sénateurs, François-Noël Buffet et Philippe Bonnecarrère, le 9 octobre 2024 à la suite de la censure par le Conseil constitutionnel des dispositions de l’article 385 du Code de procédure pénale dans le cadre de l’affaire dite Fillon (Décision n° 2023-1062 QPC du 28 septembre 2023).

L’effet quasi immédiat de cette censure, à compter du 1er octobre 2024, rendait nécessaire une intervention rapide du législateur.

Il convient de rappeler que ces dispositions prévoient un mécanisme dit de purge des nullités lorsque l’ordonnance de règlement est rendue par le juge d’instruction. L’objectif est qu’à l’issue de l’information judiciaire plus aucune nullité ne puisse être soulevée par les parties devant le tribunal correctionnel exceptées celles résultant de l’ordonnance elle-même. Les questions de régularité de la procédure doivent donc être traitées dans le cadre de l’information judiciaire et non devant les juges du fond.

Les Sages de la Rue Montpensier ont estimé que ces dispositions, ni d’ailleurs aucune de celle prévue au Code de procédure pénale, ne prévoient d'exception à la purge des nullités dans le cas où le prévenu n'aurait pu avoir connaissance de l'irrégularité éventuelle d'un acte ou d'un élément de la procédure que postérieurement à la clôture de l'instruction.

Ils ont ainsi considéré que ces dispositions méconnaissent le droit à un recours juridictionnel effectif et les droits de la défense et qu’elles doivent donc être déclarées contraires à la Constitution.

La proposition de loi qui a été déposée visait donc à intervenir rapidement afin d’éviter « de maintenir une dangereuse instabilité dans le traitement des dossiers correctionnels » et au motif que « si les dossiers faisant l'objet d'une instruction sont marginaux sur le plan quantitatif, ils concernent cependant les affaires les plus lourdes ou les plus complexes, l'instruction étant notamment utilisée en matière de trafic de stupéfiants ou pour des cas de fraudes particulièrement sophistiquées ».

Si cette intervention législative semble à première vue légitime et cohérente puisqu’il s’agit de mettre en conformité la loi avec la Constitution, plusieurs avocats se sont indignés de constater qu’elle a été l’occasion d’ajouter une condition, contestable au regard des droits de la défense, lorsque l’arrêt ou l’ordonnance de règlement n’a pas été portée à la connaissance de l’intéressé.

Cette condition résulte d’une autre décision du Conseil constitutionnel (Décision n° 2021-900 QPC du 23 avril 2021).

Aux termes de cette décision, le Conseil constitutionnel a censuré le mécanisme de purge des nullités en matière criminelle prévu par les dispositions des articles 181 et 305-1 du Code de procédure pénale.

Ces dispositions ne prévoyaient, elles aussi, aucune exception à la purge des nullités en cas de défaut d’information de l’intéressé ne lui ayant pas permis de contester utilement les irrégularités de procédure, et les Sages de la rue Montpensier ont ajouté : « alors même que cette défaillance ne procède pas d’une manœuvre de sa part ou de sa négligence ».

Le nouveau texte prévoit de ce fait une telle exception dont la rédaction est plus que problématique :

Il est ainsi prévu à l’alinéa 2 de l’article 385 du Code de procédure pénale :

« Toutefois, dans le cas où l'ordonnance ou l'arrêt qui l'a saisi n'a pas été porté à la connaissance des parties dans les conditions prévues, selon le cas, par le quatrième alinéa de l'article 183 ou par l'article 217, ou si l'ordonnance n'a pas été rendue conformément aux dispositions de l'article 184, et lorsque cette défaillance ne procède pas d'une manœuvre de la partie concernée ou de sa négligence, le tribunal renvoie la procédure au ministère public pour lui permettre de saisir à nouveau la juridiction d'instruction afin que la procédure soit régularisée. ».

La difficulté réside dans cette nouvelle condition cumulative avec la première qui consiste à ne pas avoir eu connaissance de l’ordonnance ou de l’arrêt qui a saisi la juridiction.

Que recouvre exactement cette situation qui consiste en une défaillance qui procèderait d'une manœuvre de la partie concernée ou de sa négligence ?

Si l’on se réfère aux travaux parlementaires, il s’agirait de transposer la solution existante en matière criminelle qui concerne essentiellement le cas d’une personne mise en examen en fuite et vainement recherchée, situation qui révèle selon lesdits travaux une « manœuvre » de sa part.

« Dans le cas très circonscrit de défaut d’information de la personne, celle-ci ne pourra donc soulever une nullité dans le cas d’une manœuvre ou d’une négligence ».

Or une telle situation ne correspond pas à une négligence et la rédaction des dispositions législatives précitées est si large qu’elle ne peut que légitimement inquiéter. Il est en effet à craindre qu’elle concerne d’autres cas, ce qui amoindrirait la portée de l’intervention du législateur.

Il est à cet égard intéressant de relever que le groupe parlementaire du Rassemblement National était favorable d’exclure du mécanisme de purge des nullités l’exception de la partie en fuite ou celle qui ne répond pas aux convocations du juge ou des enquêteurs munis d’une commission rogatoire.

C’est dire que s’agissant d’une décision qui n’a pas été portée à la connaissance de l’intéressée une telle exclusion a été admise.

Or on peine à identifier le principe de droit dont il résulterait qu’une personne en fuite bénéficierait de moins de droits. L’Etat de droit serait donc ainsi à géométrie variable ?

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